Une relation de « confiance » entre l’entreprise et les administrations ?

La Loi pour un Etat au service d’une société de confiance (dite Loi Essoc), publiée le 11 août 2018, propose un certain nombre de mesures visant à améliorer les relations entre les entreprises et les administrations sociales (Urssaf, Inspection du travail, etc.). Nous vous proposons un tour d’horizon de ces nouveautés…

Loi Essoc : une nouvelle relation de confiance ?

  • Création de 3 nouveaux rescrits

Pour permettre à l’employeur de faire face à certaines problématiques avant qu’elles ne se produisent, la Loi Essoc a créé 3 nouveaux rescrits lui permettant d’interroger les différentes administrations et d’obtenir ainsi une prise de position formelle :

  • ○ un rescrit social « stagiaires » :

Il s’agit, pour l’employeur, d’adresser une demande précise et circonstanciée à l’autorité administrative pour connaître les modalités de prise en compte des effectifs servant de base au calcul du plafond de stagiaires autorisés. Celle-ci doit alors se prononcer de manière explicite. Sa réponse ne s’applique qu’à l’organisme d’accueil demandeur (donc l’employeur à l’origine du rescrit) et est opposable pour l’avenir à l’administration tant que la situation de fait exposée dans la demande, ou la législation au regard de laquelle la situation a été appréciée, n’ont pas été modifiées, ou jusqu’à ce que l’administration notifie à l’employeur une modification de son appréciation.

Attention, la demande de l’employeur sera irrecevable si un contrôle portant sur le nombre de stagiaires a déjà été engagé.

Notez que les modalités d’application de ce rescrit sont soumises à la parution d’un décret. A suivre…

  • ○ un rescrit pôle emploi « mandataire social » :

Avec ce rescrit, un employeur peut solliciter la position de Pôle Emploi quant à l’obligation d’assurance contre la perte d’emploi concernant un mandataire social. Cette décision s’applique au mandataire social et est opposable à l’employeur, Pôle Emploi et l’Urssaf (ou MSA) tant que la situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la situation a été appréciée n’a pas été modifiée.

Notez que les modalités d’application de ce rescrit sont soumises à la parution d’un décret. A suivre…

  • ○ un rescrit social « règlement intérieur » :

Ici, l’employeur peut solliciter l’inspecteur du travail pour l’appréciation de la conformité à la règlementation de tout ou partie du règlement intérieur (ce qu’il peut contenir, ce qu’il ne doit pas contenir, langue de rédaction, etc.). Sa décision prend effet dans le périmètre d’application du règlement intérieur concerné et est opposable pour l’avenir à l’administration tant que la situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la situation a été appréciée n’ont pas été modifiées ou jusqu’à ce que l’inspecteur du travail notifie à l’employeur une modification de son appréciation.

La décision de l’inspecteur du travail est motivée. Elle est notifiée à l’employeur et communiquée, pour information, aux membres du comité social et économique.

L’employeur peut contester sa décision dans le cadre d’un recours hiérarchique, dans des conditions à définir. La décision résultant de ce recours est, elle aussi, notifiée à l’employeur et communiquée, pour information, aux membres du comité social et économique.

La demande de l’entreprise est irrecevable si l’inspecteur du travail a déjà ordonné le retrait ou la modification des dispositions contraires à la Loi.

Notez que les modalités d’application de ce rescrit sont soumises à la parution d’un décret. A suivre…

  • Lutte contre la fraude

Dans certains cas, les employeurs, les bénéficiaires des régimes obligatoires d’assurance maladie (donc les salariés), etc., peuvent faire l’objet d’une pénalité prononcée par le directeur de la caisse d’assurance maladie.

La pénalité est due pour toute inobservation des règles (lorsque celle-ci a pour effet de faire obstacle aux contrôles ou à la bonne gestion de l’organisme) prévues par le code de la sécurité sociale, le code de la santé publique, etc., ou en cas d’absence de déclaration, par le bénéficiaire, d’un changement de situation justifiant l’ouverture de ses droits et le service des prestations.

Attention, en cas de bonne foi de la personne concernée, la pénalité ne sera pas applicable.

Prenons un exemple : le défaut de déclaration d’un accident du travail est sanctionné par une amende de 4e classe (soit 3 750 € maximum à honorer par l’entreprise). En outre, le directeur de la Caisse d’assurance maladie peut décider d’appliquer à l’employeur une pénalité dont il fixe le montant en fonction de la gravité des faits reprochés, soit proportionnellement aux sommes concernées dans la limite de 70 % de celles-ci, soit, à défaut de sommes déterminées ou clairement déterminables, forfaitairement dans la limite de 4 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.

La même pénalité peut être appliquée en cas de déclaration ayant indûment entraîné une prise en charge. Toutefois, depuis le 12 août 2018, cette pénalité n’est pas applicable si l’employeur est de bonne foi. En revanche, l’omission de déclaration ne dispensera pas de la pénalité, même en cas de bonne foi.

  • Inspection du travail : amende ou avertissement ?

Depuis avril 2016, dans certaines situations (non-respect des durées maximales de travail, des temps de repos, ou du SMIC, notamment), l’autorité administrative, c’est-à-dire la Direccte, peut prononcer des amendes pénales, à l’encontre d’un employeur, d’un montant de 2 000 € maximum par travailleur concerné. Elle doit également informer, le cas échéant, le procureur de la République.

Depuis le 12 août 2018, l’administration peut renoncer à appliquer l’amende en choisissant d’adresser à l’employeur un simple avertissement. Cette alternative à la sanction pécuniaire trouvera à s’appliquer notamment aux employeurs de bonne foi.

Notez que pour choisir entre avertissement et amende (et, le cas échéant, en fixer le montant), l’administration prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, ainsi que ses ressources et ses charges.

A l’instar de l’amende, l’avertissement peut être contesté par l’employeur devant le tribunal administratif, à l’exclusion de tout recours hiérarchique.

Retenez également que le plafond de l’amende (2 000 € par travailleurs concernés) est porté au double (majoré de 100 %) en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d’1 an à compter du jour de la notification de l’amende concernant un précédent manquement de même nature.

Ce même plafond est majoré de 50 % en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d’1 an à compter du jour de la notification de l’avertissement concernant un précédent manquement de même nature.

  • Médiation

Depuis quelques années, les employeurs d’Ile-de-France expérimentent le recours à la médiation dans le cadre des litiges qui les opposent à l’Urssaf.

La Loi Essoc vient généraliser le recours à la médiation dans les Urssaf à compter du 12 août 2018, tout en précisant que l’utilisation de la médiation ne fait pas obstacle aux autres voies de recours existantes.

Le médiateur est désigné par le directeur de l’organisme et exerce ses fonctions en toute impartialité, dans le respect de la confidentialité des informations dont il a à connaître.

Toute réclamation ne peut être traitée par le médiateur que si elle a été précédée d’une démarche de l’employeur auprès des services concernés de l’Urssaf, et sous réserve qu’aucun recours contentieux n’ait été formé. Notez que le fait, pour un employeur, d’engager un recours contentieux, donc de saisir un tribunal, met fin à la médiation.

En outre, à titre expérimental (pendant 3 ans), la Loi Essoc vient créer un dispositif de médiation entre les entreprises et les administrations ou établissements publics de l’Etat, les collectivités locales et les organismes de Sécurité sociale.

Il est précisé que le recours au médiateur ne fait pas obstacle aux autres voies de recours existantes.

Un décret devra venir fixer les modalités de cette expérimentation, en particulier les régions où elle est mise en œuvre et les secteurs économiques qu’elle concerne.

  • Opposabilité des documents administratifs, instructions et circulaires

La Loi Essoc prévoit que désormais, toutes les instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives doivent faire l’objet d’une publication. A défaut, elles seront réputées abrogées.

Cette publication devra se faire dans des conditions prévues par décret…non encore publié !

Toute personne pourra se prévaloir des instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit en vigueur ou une description des procédures administratives publiées, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l’Etat et publiées sur des sites internet désignés par un décret à venir.

De même, toute personne pourra se prévaloir de l’interprétation d’une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n’affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n’a pas été modifiée.

La portée de ce principe sera limitée, notamment en cas d’obstacle à l’application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement.

Attention, la Loi Essoc ne vient pas créer un principe général d’opposabilité de ces documents : concrètement si vous pouvez vous en prévaloir, l’administration ne sera pas pour autant liée par l’interprétation donnée et pourra toujours changer d’avis !

Notez qu’en droit social, il existe un principe d’opposabilité des circulaires et instructions ministérielles lorsqu’elles émanent du ministère de la Sécurité Sociale et qu’elles sont publiées.

  • Rédaction d’un projet de prise de position

La Loi Essoc lance une nouvelle expérimentation d’une durée de 3 ans en matière de rescrit. Pour certains des nouveaux rescrits évoqués plus haut (liste devant être définie par décret), le demandeur pourra joindre à sa demande un projet de prise de position formelle.

Ce projet sera réputé approuvé en l’absence de réponse de l’administration destinataire dans un délai de 3 mois à compter de la réception de la demande.

Le lancement de cette expérimentation est soumis à l’adoption d’un décret non encore paru.

  • Certificat d’information

La Loi Essoc prévoit que préalablement à l’exercice de certaines activités (dont la liste doit être déterminée par décret), il sera possible d’obtenir une information sur l’existence et le contenu des règles régissant cette activité par l’intermédiaire d’un « certificat d’information » transmis par l’administration interrogée.

Si l’information transmise est erronée ou incomplète et qu’il en résulte un préjudice pour le demandeur, celui-ci pourra engager la responsabilité de l’administration émettrice.

Source : Loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (dite Loi Essoc)

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